À propos de l’auteur

Louis-Marie Catta

« Le jardin du revers, un pas du côté de l’imaginaire ». Extrait d’un article de Marianne Lavillonnière, rédactrice en chef de la revue L’art des jardins. Eté 2023, No 58.

« …Tout serait ordinaire dans ce jardin encerclé par le bocage normand, et pourtant une accumulation de détails insolites vient attraper le regard. Louis-Marie Catta cultive le jardin du Revers depuis une trentaine d’années et il s’y est désormais installé à temps plein. Les métamorphoses se sont alors multipliées… Pour moi (dit-il), la création d’un jardin n’a jamais impliqué la collection de plantes rares ou non, mais la recherche de plantes dont l’allure commune ou recherchée me séduit, que je me sens en mesure de comprendre afin de répondre à leurs besoins. Elles et moi construisons des ambiances destinées au regard. Le sec, le frais, l’ombre, la lumière, la couleur sont les sujets que nous aimons explorer, autant que l’insolite, le sobre ou l’extravagant ! L’exploration des pouvoirs du jardin ne se trouve donc pas dans la surprise botanique mais dans une bonne intelligence des plantes les plus simples.

Louis-Marie Catta opère dans son jardin une hybridation entre art et nature. S’il est passé par une formation de paysagiste puis un long parcours dans les arts plastiques, l’artiste-jardinier s’attache à créer les intrusions qui peuvent dialoguer avec les végétaux. Clin d’œil à l’art contemporain, son intervention s’efforce de réenchanter les espaces de son jardin en utilisant des matériaux aussi simples que les branches, le sable, les pierres et les roches… »

Lettre adressée à Georges Lévêque, photographe de jardins, en 2024.

Bonjour Monsieur Lévêque !

J’ai commencé mon jardin dans l’effervescence il y a 40 ans pour m’en éloigner au long d’un parcours bousculé, avant de renouer avec lui un échange intense en 2016 avec l’intention de l’ouvrir au public : le jardin du Revers dans la Manche est accessible à tous depuis 2020.

Un échange intense parce qu’amoureux, jubilatoire et parfois inquiet lorsqu’une question importante s’impose : jusqu’où peut-on s’octroyer le pouvoir d’entraîner l’ordre végétal vers la beauté d’une œuvre humaine qui l’indiffère ?

 Avec le recul je comprends que mes choix de vie doivent beaucoup à la rencontre de deux aînés que je côtoyais. Ils me fascinaient : Gabriel Chauvel, paysagiste et longtemps professeur à l’école de Versailles, Bertrand Lavier, artiste célèbre.

Gabriel a déterminé mon engagement vers le paysagisme, Lavier aura semé chez moi un goût pour l’art actuel. Passés tous les méandres, ces influences tutélaires de jeunesse se sont rejointes, au jardin du Revers, lieu d’une œuvre qui s’accomplit in situ.

En stage à Fégréac, chez Gabriel, je lisais vos articles, j’aimais vos photos qu’il me conseillait. C’était avant de commencer mes études de paysagiste. Depuis, j’ai lu plusieurs de vos ouvrages, jusqu’à récemment votre excellent opus consacré aux jardins de Pellinec. Aussi, vous écrire m’intimide, vous qui connaissez toutes les facettes de la planète jardin ! Je viens pourtant vous parler du mien …

Je l’ose après avoir constaté que vous connaissez aussi Evelyne Sallandre* et Benoît Delomez**. Evelyne, ma conseillère pour le choix des Rosiers, Benoît, dont le parcours parallèle m’a devancé et tellement motivé. Deux amis qui m’ont inspiré.

* André Eve, le jardinier des roses. Editions du Valhermeil.

** Benoît et Dominique Delomez, créateurs du « jardin intérieur à ciel ouvert ».

Mai 2025

Le soir tombe sur un jardin qui sourit. La poussière grise qui le recouvrait s’est dissous avec la pluie. Pollens, poussières, pulvérulences de nos machines, beurk, tout ça qui le rendait gris immobile est broyé au sol. Une luisance est revenue, un clin d’œil rieur qui donne envie de retrouver le sens de la marche. Je peux le palper, ça m’imprègne soudain, on va se reparler, lui et moi.

Ces dernières semaines, j’étais obnubilé par l’idée qu’amadouer le végétal était le maître mot-clé pour entraîner le végétal dans un projet qui ne le concerne pas tout en acceptant sa part d’autonomie, quelque chose comme ça. Si je poursuis la réflexion dans ce domaine, c’est à partir de là qu’on peut trouver un passage donnant un accord avec ce monde silencieux.

Pendant ce court épisode sec (il y en a pourtant eu beaucoup d’autres !) j’ai ressenti particulièrement que le jardin entier se retenait, stationné en panne d’essence, muet, et qu’il fallait attendre pour qu’on se reprenne sous le bras. Amadouer et attendre pour pénétrer les méandres de sa respiration. Je me dis que le jardin ça nous fait mesurer le temps autrement.